Archives pour la catégorie Nouvelles Croisieres

CACHE CACHE EN MER

Pour écouter « Louise Cruise Radio » cliquez sur  ► juste en dessous :

Soixante-deux, soixante-trois, soixante-quatre…

Tu avais ri avant de pousser la porte de la cabine. Juste un éclat, une note cristalline. Je t’avais entendue courir sur la moquette du couloir. Tu t’échappais.

Je gardais les mains sur mes yeux. C’était inutile, tu étais déjà loin, mais cela participait au jeu. Je souriais, je te cherchais déjà. Je t’imaginais en pensée.

Femme-pareo-rouge

Quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-dix-neuf, cent !

J’ai ouvert les yeux mais je n’ai pas bougé tout de suite. Je te laissais quelques secondes. Quelques secondes de plus. Une échappée encore.

Lentement, j’ai poussé la porte. Comme si j’allais t’apercevoir courant, dans la ligne du couloir. Mais bien sûr tu n’étais plus là. J’avais un navire à explorer. Un navire entier où tu te cachais.

J’ai choisi de monter. De quitter le pont, d’aller vers le soleil, vers la lumière. J’ai pris les escaliers. J’espérais voir ta robe voler, qui courait dans les marches. Tu avais mis ta robe rouge. Tu espérais, je crois, que je ne te perde pas vraiment. Que je ne mette pas trop de temps. Tu as toujours été impatiente.

Je ralentissais à chaque pont pourtant. Je me laissais surprendre à chaque couloir. Je croyais te voir au milieu d’un groupe. J’entendais les cavalcades de ton pas derrière chaque bruit.

Je continuais à monter. Au pont 5, je suis allé jusqu’au piano-bar. C’était ton préféré. Par pour la musique mais pour les banquettes profondes où tu t’alanguissais. J’aimais ce moment où tu laissais la fatigue affleurer. Où ton visage se détendait. Où tu ne souriais plus que pour moi. Ton corps alors s’amollissait un peu et je n’aimais jamais tant ta peau qu’à ce moment-là.

Tu n’y étais pas. Je savais que c’était plus haut encore qu’il me fallait chercher. Jusqu’au dernier pont. Jusqu’à la dernière marche, au seuil du ciel.

J’ai fait le tour de la piscine. Une tache rouge qui passait la porte du Spa. Je me suis précipité. Mais ce n’était pas toi. Comment avais-je pu confondre ? Ton rouge à toi était plus intense. J’ai aimé pourtant le regard que la jeune fille m’a offert. Quand je lui ai touché l’épaule. Si tu n’avais pas été là…

Mais je ne cherchais que toi.

Je savais que tu n’étais pas loin. Je crois même que j’ai perçu ton odeur. Un peu salée, lorsque tu ne portes pas de parfum. Mais ce sont des choses qu’on se dit. J’ai entrepris de faire le tour du pont. Autour de moi, l’on courait le long de la piste en coursive. J’ai couru aussi. Car je savais que j’allais vers toi. Je te devinais. Une main a passé. J’ai reconnu ta peau avant même ta robe rouge. C’est toi qui m’as trouvé. Qui a saisi ma main. Qui m’a attiré là. Dans le jardin d’hiver.

Dans le jardin d’hiver miraculeusement désert, tu as réclamé ta récompense…

Paul